Nous assistons depuis quelques années à une floraison de projets visant à replanter des arbres partout dans le monde.
Il suffit d’effectuer une simple recherche sur internet pour trouver une multitude d’organisations à but non-lucratif telles que Forest Nation, Tree Aids, Trees for the future, voire même Ecosia, un nouveau moteur de recherche qui, au contraire de Google, suit la même tendance qu’une pluralité d’autres projets dont le but est de proposer diverses méthodes à portée du citoyen lambda pour lever des fonds en faveur de la plantation d’arbres. En Belgique, l’organisation Graine de vie, à l’aide de son slogan « Compensons notre empreinte écologique ! », a replanté à ce jour plus de 8 millions d’arbres sur l’île de Madagascar grâce à des dons particuliers.
Mais alors, pourquoi cet intérêt pour la replantation d’arbres et quel est le lien avec le réchauffement climatique ?
Les forêts représentent environ 30,6% de la surface terrestre de la planète, d’après les évaluations des ressources forestières mondiales de l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Elles constituent d’immenses surfaces soumises à la pression des besoins agricoles en constante expansion face à une population mondiale grandissante. Des exigences agricoles qui sont à l’origine de 80% de la déforestation en Colombie, par exemple, et de l’occupation de 70% des anciennes terres boisées de l’Amazonie. En effet, si l’industrie de la viande réquisitionne énormément de terres forestières pour l’élevage direct du bétail (l’élevage d’un bovin nécessite au minimum un hectare de pâture), les terres cultivées pour uniquement nourrir ces animaux représentent une des causes les plus significatives de la déforestation. Ces millions d’hectares utilisés pour les nourrir et les consommer ensuite, réduisent les possibilités de cultiver des ressources visant à nourrir directement la population mondiale qui ne cesse d’augmenter.
Les grandes forêts sont aussi utilisées pour des exploitations à grande échelle, comme la culture de l’huile de palme ou de la canne à sucre, mais aussi pour l’extraction minière, pétrolière et gazière qui endommage énormément le couvert forestier. D’autre part, les ressources proposées par les forêts attirent toutes formes de commerces. D’après le site notre-planete.info « un quart de[s] importations de bois [de l’Europe] sont présumées d'origine illégale ».
Loin d’être seulement riches en ressources nourricières, les forêts qui couvrent notre planète sont également exploitées pour leurs plantes médicinales ou encore pour la fabrication d’outils.
Pourtant, cette dépendance économique et sociale exerce des pressions sans précédent sur d’autres services écosystémiques fournis par les forêts, cette fois-ci absolument indispensables à notre simple survie sur cette planète. En effet, la déforestation est une des causes des changements climatiques qui nous affectent tous aujourd’hui. Les grandes forêts stockent environ 40% du carbone terrestre. Lorsqu’un arbre ou une forêt sont détruits, le carbone contenu dans la végétation et dans les sols est relâché dans l’atmosphère, ce qui contribue à l’effet de serre à l’origine du réchauffement climatique. Ainsi, selon le WWF, « un cinquième des émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines provient de la destruction des forêts », aussi causée par des défrichements par le feu.
D’autre part, les arbres ont un rôle essentiel dans le cycle de l’eau. Ils absorbent l’eau qui, sous les rayons du soleil, s’évapore sous forme de vapeur d’eau. En abattant les arbres, nous privons la planète de cette vapeur d’eau qui crée un processus de rafraîchissement de l’air et qui est à l’origine de nouvelles précipitations, essentielles pour réguler le climat. Si les forêts ont un rôle majeur dans la régulation du climat, elles sont également essentielles face aux conséquences du réchauffement climatique. En cas de pluies torrentielles, les arbres permettent d’atténuer voir de retenir les inondations et les glissements de terrain. La déforestation rend ainsi plus vulnérables les populations victimes des intempéries et les arbres restant, exposés au nombre accru d’épisodes météorologique intenses, sont de moins en moins résistants. Par exemple, leur faculté à retenir et filtrer l’eau vers les bassins versants forestiers est fragilisée, notamment en raison de la déforestation qui érode les sols.
(1) Pour tenter de pallier à ces enjeux, des milliers de plaquettes de chocolat ont été distribuées chaque jour à tous les participants de la COP23. L’argent versé par l’UNFCCC pour acheter ce chocolat est ainsi revenu à la campagne « 1 Trillion Trees » de l’association Plant-for-the-Planet, dont 20% est allé à la plantation d’arbres et 10% à l’éducation d’enfants pour qu’ils deviennent « Climate Justice Ambassadors ». Les 70% restant ont été alloués à la production de ce chocolat. Au dos de la plaquette, on peut y voir le détail de sa fabrication « fairtrade » en Suisse, ainsi que les ingrédients. Cependant, aucune indication n’est donnée sur la provenance du cacao et du soja utilisés pour sa fabrication. Il est intéressant de noter que le cacao provient de la graine de cacao qui pousse sur les cacaotiers, des arbres majoritairement cultivés en Afrique de l’Ouest, en Asie du Sud et en Amérique du Sud où les forêts sont menacées par la surexploitation, sans compter la faune et la flore qui y habitent. En outre, une étude de terrain effectuée en 2016 par l’ONG Mighty Earth explique le lien direct qui existe entre la déforestation en Côte d’Ivoire et au Ghana et l’industrie du chocolat. Bien sûr, ce chocolat suisse distribué à ce sommet international contre le réchauffement climatique n’est certainement pas à l’origine de tels dégâts environnementaux, mais il n’en demeure néanmoins important de nourrir une piste de réflexion à ce sujet afin de pouvoir faire le lien entre nos modes de consommation et la déforestation. Et pour cause, ce chocolat distribué à grande échelle, est aussi potentiellement à l’origine d’importations mondiales de cacao (au moins jusqu’en Suisse puis jusqu’à Bonn) dont l’empreinte carbone émise au travers son transport et de sa transformation en chocolat dans le cadre d’un processus industriel pourrait finalement, si nous poussons notre raisonnement, potentiellement justifier la plantation de davantage d’arbres.
Message délivré à l’intérieur des tablettes de chocolat distribuées dans le cadre du projet « 1 Trillion trees ». Copyright : Justine Guiny
Au cours de cette COP23, un certain nombre d’événements ont été consacrés à la question du financement par les pays développés de l’adaptation au changement climatique dans les pays en développement.
Cette question et celle de la reforestation sont interconnectées.
Le lundi 13 Novembre, l’organisation internationale de la francophonie et la délégation de la République Démocratique du Congo (RDC) ont organisé conjointement un évènement sur ces questions.
Chargée de protéger ce bien commun, la RDC est engagée dans le processus de financement pour la Réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts (REDD +) mis en place en 2007 par la communauté internationale dans le cadre du protocole de Kyoto. Un professeur de l’université de Kinshasa, Jean-Paul Kimbabe (voir interview ci-dessous), est revenu sur l’évolution du couvert forestier et sur l’augmentation des émissions liées à la déforestation en présentant les dernières données du Système National de Surveillance des Forêts (SNSF).
Face à la déforestation, la RDC a mis en place des systèmes de surveillance des terres par satellites leur permettant d’analyser visuellement l’évolution de la densité de la forêt, ainsi qu’un inventaire forestier national et un inventaire des émissions. Dans l’attente d’une vérification de ces chiffres au niveau national, le professeur mentionne 9,7 millions d’hectares de forêt qui ont été perdus entre 2000 et 2015.
Sur fond de cette première présentation, les différents intervenants à cette conférence demandent davantage de financements, notamment pour financer la mise en œuvre des financements et programmes comme l’initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI), essentiellement financée par la Norvège, dont ils bénéficient déjà. Ils présentent pour cela un plan d’investissement dit transparent, prenant en compte toutes les causes de la déforestation en RDC comme la pauvreté, l’augmentation de la démographie, la demande en bois, la lenteur des politiques contre la déforestation, et autres. Selon eux, la plus grande source d’émission en RDC est liée à la déforestation, qui ne saurait qu’augmenter s’ils se lancent davantage dans des plans d’urbanisation. C’est pourquoi, ils ne considèrent possible d’atteindre les ambitions de l’accord de Paris que s’ils bénéficient de financement pour replanter des arbres.
Cependant, rappelons que des financements tels que le Mécanisme de Développement Propre (MDP), encourageant en partie la reforestation, peuvent reposer sur des mécanismes controversés (voir l’article de Charlotte Janssens, « Les efforts des Etats (NDC) doivent-ils être accomplis en totalité sur leur territoire ? ». En effet, le CDM est financé par le marché carbone instauré par le protocole de Kyoto, créditant les Etats d’un quota d’émissions. Ce mécanisme permet aux Etats de racheter ou revendre certains quotas. Ils bénéficient alors de davantage de crédit de CO2 s’ils financent, par exemple, la replantation d’arbres ou des activités de prévention de la déforestation. Ce système permet donc aux Etats de polluer davantage, en échange de la plantation d’arbres.
D’autre part, la reforestation n’est pas une solution miracle contre le réchauffement climatique. La capacité des arbres à absorber le CO2 est amenée à s’épuiser si nous continuons à émettre de la sorte. Les techniques d’émissions négatives comme la replantation d’arbres pour absorber le CO2 déjà émis ou l’enfouissement du CO2 dans la terre ne sont que des moyens de repousser le problème de l’émission démesurée de gaz à effet de serre associée au système énergétique et d’accentuer notre dépendance envers la nature pour supporter notre mode de développement actuel. De plus si la température et la sécheresse augmentent une partie des forêts peut partir en … fumée.
Interview de Jean-Paul Kimbabe, professeur à l’université de Kinshasa et ancien étudiant de l’Université Catholique de Louvain.
Quels sont les enjeux de la déforestation sur le climat ? Quel rôle peut avoir la communauté internationale dans la décélération de la déforestation en RDC ? Quel est le rôle des financements climat ? Quelles sont les clés pour un développement sans déforestation en RDC ?
(1) Photo d’une des nombreuses tablettes de chocolat distribuées tous les jours aux participants de la COP23 dans le cadre du projet « 1 Trillion trees ». Copyright : Justine Guiny