Le GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, a publié en octobre dernier son rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. Ce rapport constitue la base scientifique au « Dialogue de facilitation » (ou « Talanoa Dialogue ») qui fait le point sur les efforts collectifs fournis par les Parties en vue d’atteindre l’objectif à long terme de l’Accord de Paris. Cependant, lors des différentes séances auxquelles nous avons pu assister lors de la COP24, nous avons constaté que, malgré la qualité du rapport et la quantité impressionnante d’informations scientifiques inédites qu’il contient, certaines questions restent sans réponses. Certains pays ont interpellé les représentants du GIEC au sujet de ces lacunes :
Le caractère probabiliste du rapport Ce rapport n’expose pas seulement les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C. Il explore également les scénarios d’émissions susceptibles de limiter l’augmentation de température à 1,5°C, selon une approche probabiliste. Ainsi, selon les résultats d’une multitude de modèles, des trajectoires d’émissions sont présentées, qui offrent une probabilité de 2 chances sur 3 de maintenir le réchauffement sous la barre de 1,5°C. Seulement 2 chances sur 3. Autrement dit, même si tout est mis en place pour respecter ces trajectoires d’émissions, il n’y a que 2 chances sur 3 pour que ce réchauffement se maintienne à cette température.
Des lacunes sur les aspects sociétaux et économiques La présentation des différents scénarios n’évoque que partiellement les conséquences socio-économiques des changements qu’il faudra effectuer pour atteindre l’objectif. Le rapport parle de changements profonds à opérer dans tous les secteurs, à une « échelle sans précédent ». Des conséquences importantes surviendront fatalement. Il n’y a pas de transition systémique sans impacts socio-économiques. Le peu d’informations disponibles sur ces aspects fut souligné par plusieurs Parties lors de la dernière séance de la phase préparatoire du Talanoa Dialogue ce jeudi 6 décembre lors de la COP24 : la Chine notamment attira l’attention sur la nécessité d’une transition économique liée à la transition écologique, et pointa les risques que cela implique au niveau social. La nécessité d’une aide aux pays en développement pour réaliser les transformations requises a également été soulignée par de nombreuses Parties : notamment le Brésil, l’Inde ainsi que le Botswana qui parla au nom du groupe africain.
Maintenir la température à +1,5°C. Oui mais comment ? Les avis divergent sur ce point : le rapport fournit-il des solutions concrètes pour atteindre l’objectif de 1,5°C ? Certaines Parties y répondirent positivement lors de la dernière séance préparatoire du Talanoa dialogue. Ils soulignèrent d’ailleurs la qualité du rapport et le fait qu’à présent, la balle est dans le camp des « policy-makers ». D’autres reprochèrent au contraire l’absence de solutions concrètes dans le rapport. Faut-il interpréter cette accusation comme un rejet de la faute sur autrui par les Parties qui ne parviennent pas elles-mêmes à trouver des solutions pour atteindre l’objectif ? Suite à ces différentes interventions de plusieurs Parties ce 6 décembre à la COP24, relativement aux lacunes du rapport, le président du GIEC, Hoesung Lee, rétorqua que les futurs rapports prendront en considération ces réflexions, afin de fournir un maximum d’informations utiles pour l’aide à la décision. Mais jusqu’où est-il possible pour un groupe d’experts scientifiques intergouvernementaux d’expliquer comment réaliser cette transition ? Souvenons-nous, le rapport du GIEC 1,5°C fut commandé lors de la COP21 à Paris afin d’avoir une information scientifique rigoureuse et équilibrée à l’attention des décideurs. Ces travaux ont été commandés afin qu’ils soient utiles à la prise de décision, mais sans pour autant dicter l’action à engager. Il était donc convenu que c’était aux décideurs de trancher sur les mesures à prendre. Le mandat du GIEC est d’ailleurs sans équivoque à ce sujet : son rôle est de produire de l’information scientifique sur les principaux aspects des changements climatiques, pertinente pour la politique mais « non-prescriptive ». Le choix des solutions et la responsabilité des décisions reviennent donc toujours, en fin de compte, aux « policy-makers ». Nous avons interviewé à ce sujet Jean-Pascal van Ypersele, vice-président du GIEC entre 2008 et 2015.