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Jean-Marc Nollet sur le climat: "La mise en œuvre tarde".

Nous avons rencontré Jean-Marc Nollet, député écolo et chef du groupe Ecolo / Groen à la chambre, le 16 novembre dernier. Installés dans le lobby d'un hôtel à Marrakech, nous discutons de sa présence à la COP et ses pensées sur le changement climatique.

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Pourriez-vous nous dire en quelle qualité vous êtes présent à la COP ?
Je suis là comme député. Il faut savoir que c'est une des particularités de la Belgique, d'avoir une délégation très large - ça date déjà, je crois, de Kyoto. L'idée est que la délégation soit ouverte pas seulement aux Ministres, aux cabinets ministériels et à l'administration - ça c'est normal - mais aussi aux ONG, aux députés de l'opposition et aux étudiants, dans une démarche scientifique, de recherche etc. Comme députés du fédéral, on est trois : il y a le Président de la Commission Développement Durable et Climat, Bert Wollants ; moi qui suis Vice-Président et il y a un troisième membre de la commission, qui est Werner Janssen. C'est la deuxième année que je participe à la COP à ce titre. Comme Ministre, avant, j'avais eu l'occasion de participer à d'autres négociations comme Rio+10 ou +20, mais ici, c'est en tant que député de la Commission Développement Durable et Climat du Parlement fédéral.

En tant que député fédéral, qu'espérez-vous de la COP ?
Évidemment, les espoirs ont un peu changé, maintenant qu'on a eu les nouvelles de l'élection de Trump... Mais avant ça, j'espérais retrouver ce souffle que j'avais senti à Paris. Il y avait un vrai enthousiasme. On pouvait espérer une bouffée d’oxygène pour que dans les différents pays signataires, on implémente les textes - même au-delà et même plus vite que ce qu'ils ne le disaient eux-mêmes. Et je dois bien vous dire qu'au fur et à mesure de l'année, en tous cas en Belgique, au plus on s'éloignait de Paris, au moins je sentais encore cet enthousiasme. En venant ici, j'espère - et c'est vrai en partie – retrouver cet enthousiasme. Mais il s’est rapidement réduit par la victoire électorale de Donald Trump. Alors je n'attends pas grand-chose en termes d'accord final, parce que l'accord final, il a eu lieu à Paris. Ce qui compte maintenant est la mise en œuvre de ce qui a été décidé à Paris, plus qu'un nouveau texte. Cependant, on pourrait estimer qu'il y a des choses intéressantes, ne fut-ce qu'en termes de messages, de signaux à envoyer vers la nouvelle administration américaine.


L'accord de Paris, justement, vous semble-t-il être le momentum tant proclamé ? Ca vous a donné de l'espoir ?
Oui, énormément. Ca m'a donné énormément d'espoir. J'ai notamment eu le sentiment, à l'époque, de participer à un moment historique. Évidemment, tous les historiens nous diront qu'on ne pourra définir si c'est un moment historique que dans 15, 20 ou 30 ans. Donc c'est un peu prétentieux sur le plan scientifique de dire qu'on est dans un moment historique alors qu'on a encore le nez sur le guidon. Mais néanmoins, c'était un peu la dernière chance, aussi. Par rapport à des calendriers très serrés - du moins si on en croit la science - du temps qu'il nous reste pour accomplir la transition énergétique, c'est quand même relativement "scherp" comme on dit. La fenêtre d'opportunités se resserre. Donc oui, quelque part, c'était un moment très important. Maintenant, quand on regarde les textes en eux-mêmes, il y a des points faibles - inévitablement. Le fait qu'il n'y ait pas de sanction directe, le fait que les premiers rehaussements obligatoires n'interviennent qu'après 2020, le fait que l'aviation était en-dehors. Je n'ai pas ici tout le dossier, on peut le passer en revue et c'est imparfait, mais c'était beaucoup mieux que ce qu'il y avait au point de départ. Notamment avec la référence au 1,5°C et le fait que pour 2018, le GIEC doit remettre un rapport sur cette référence, sur ses implications, sur ce que ça veut dire concrètement. Maintenant, je le redis, à côté de ça, j'ai l'impression que la mise en œuvre tarde. Et il y a même des marches arrières qui sont faites. Et pas qu'en Belgique ! En France, ils avaient été à Paris grands défendeurs de la taxe carbone - on se souvient que des ateliers avaient été organisés en marge de la conférence, et depuis lors ils font marche arrière. En Belgique, les textes ne sont toujours pas adoptés pour l'approbation de l'Accord de Paris. Il y a pour le moment, je crois, 115 pays qui ont ratifié et la Belgique ne l'a toujours pas fait (1). Heureusement l'Europe l'a fait - mais imaginez-vous s’il n’y avait pas eu l’Europe ! Pour une fois qu'on peut en dire du bien...  On aurait un peu eu l'air d'être ceux qui traînent la patte alors qu'on a été dans les leaders. Il y a une tension entre l'Accord de Paris et sa concrétisation mais on devra vivre avec ça, et on devra surtout pousser à ce que sa concrétisation s'accélère. Mais ce n'est pas gagné. 

Récemment, le PNUE a remis son "emissions gap report" (c'est le 7ème),  et on a eu un premier draft du "Call for Action" de Marrakech qui sera un des principaux outputs de cette COP. Dans les deux cas, il y a un appel clair à augmenter les efforts de réduction d'émissions parce que tout simplement, cet objectif de 2°C et a fortiori de 1,5°C, on n'y est pas du tout.
Oui, le décompte nous amène à 3.5, 3.6, 3.4 - ça dépend comment on compte. Mais de toute façon, au-dessus. Alors on va dire: ce n'est qu'un degré et demi. Mais non, c'est énorme ! Parce que si on croit les scientifiques, et moi je suis enclin à les croire, quand on dépasse les deux degrés, on ne maîtrise plus la situation. Je ne parle même pas des îles où deux degrés c'est déjà trop, mais je parle globalement, planétairement. Si on dépasse les deux degrés celsius, on ne maîtrise plus les phénomènes physiques qui vont s'enchaîner les uns aux autres. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas dire: 3.2°C ou 4, c'est bien, c'est mieux que 6. Non : si on dépasse les 2 degrés, on ne contrôle plus la situation et on ne peut plus faire marche arrière - ou en tous cas, on prend le risque de ne plus savoir faire marche arrière. Il y a un besoin d'accélérer, il y aura probablement un appel à accélérer mais encore une fois, ça dépendra de chacun des pays dans l'implémentation concrète et là... 


Et au niveau belge?
Au niveau belge, Je ne veux pas être critique, mais je nous sens beaucoup trop lents. Et contradictoires. Je prends souvent l'exemple de la mobilité : on explose toutes les courbes. On continue de subventionner les embouteillages en Belgique, en subventionnant les voitures de société à outrance. Et en-dehors de ça, on désinvestit dans la SNCB. Sur 2015 - 2020, c'est trois milliards d'euros en moins. C'est tout à fait incohérent avec l'idée qu'on veut réduire les gaz à effet de serre, que de réduire les moyens des transports en commun. C'est dans la mobilité que ça se joue en partie, voire beaucoup. Je reste dans une insatisfaction entre cet objectif qui est clairement affirmé et réaffirmé, une volonté d'accélérer qui est nécessaire parce qu'on a déjà beaucoup de retard, et des mesures qui ne suivent pas. En mobilité, mais aussi pour les énergies, le chauffage, les industries...

Sur la question des énergies justement, dernièrement, dans le cadre du dossier sur la redevance de Tihange1, on vous a entendu dire que la Ministre Marghem manquait de transparence. Que pensez-vous du fait que la Belgique s'est engagée à fermer les centrales nucléaires et pourtant les prolonge, ou que les voisins allemands sont inquiets?
Je pense que c'est un très mauvais signal qui est envoyé, que d'avoir décidé de prolonger les vieilles centrales de Doel 1 et de Doel 2. Pour deux raisons au moins. Un, pour les aspects dangereux de ces centrales. Si vous interrogez les ingénieurs de l'époque, la plupart disent que ça a été construit pour 30-40 ans maximum et que les prolonger c'est prendre trop de risques (risques confirmés par d’autres rapports belges et allemands). Mais deux surtout, ce choix écrase tellement le marché qu’il empêche les alternatives de se développer. C'est une telle masse, une centrale nucléaire: Doel 1, 466 mégawatts. Si on fait fois deux, ça prend tellement une place énorme sur le marché énergétique ! Alors que les opérateurs alternatifs  pensaient qu'ils allaient pouvoir se déployer un peu à la fois (une éolienne: 2 mégawatts, 3 mw, 4mw, ça dépend de la puissance), ici on leur dit non: pendant dix ans encore, le marché va être occupé par 866 mégawatts depuis les centrales nucléaires. Parce qu'on a des objectifs, on a des contraintes Kyoto et probablement d'autres qui viendront de l'Europe, qui nous imposeront des énergies renouvelables, mais aucun gouvernement n'ira au-delà parce qu'il sait que pendant dix ans, il y aura ce poids lourd du nucléaire qui vient écraser sur le marché. Je pense que c'est une très mauvaise nouvelle, une très mauvaise décision, un très mauvais signal. Par ailleurs, on voit que le nucléaire pose des problèmes de garantie en termes d'approvisionnement. Tihange1 est aujourd'hui fermée et ils viennent de décider de prolonger la fermeture jusque fin décembre... Je crains que l'ambigüité créée par la relance de Doel1 et Doel 2 ne donne un signal et qu'après 2025 on prolonge aussi les autres centrales ou on reconstruise une centrale - même si là, toutes les études économiques nous disent que maintenant, même sans subventions publiques, le nucléaire est plus cher que le renouvelable. Pas le nucléaire amorti, évidemment. Et c'est pour ça qu'ils auront toujours intérêt à tirer sur le nucléaire amorti. 


Et si on parle d'une échelle à 2030-2035 par exemple, un scénario 100% énergie renouvelable en Belgique, cela vous paraît faisable ?
En 2030-2035, non. Pour moi, il faut viser 2050. Si on veut être réalistes, malheureusement, pour la Belgique, il faut viser 100% en 2050. Mais il ne faut pas reporter au-delà ! Parce qu'au-delà, ça sera trop tard par rapport aux échéances et à notre rapport sur le climat. Je crois qu'on doit se dépêcher à la fois en développement et en interconnexion pour atteindre ces 100% en 2050. Ca paraît tellement loin, 2050, mais quand on regarde le temps qu'il faut pour installer une éolienne en Mer du Nord - il faut presque huit ans -, c'est nécessaire de se lancer dès à présent.

Que pensez-vous du fait que le problème central du changement climatique, les énergies fossiles, ne sont pas abordées dans ces négociations ?
Je me souviens des négociations à Paris, les fameuses nuits où on voyait les pays plus grands producteurs de pétrole, l'Arabie Saoudite et d'autres, qui se battaient pour avoir le vide autour de cette question-là. J'ai compris que ça faisait partie de l'implicite politique. C'est malheureux, parce que ça ne permet pas une grande compréhension par le public, qui fait un lien direct entre climat et énergies fossiles. Et je pense que c'est notre rôle à nous, les politiques; vous, scientifiques; eux les médias, d'expliquer que derrière la réduction des gaz à effet de serre, ce sont les énergies fossiles qui sont la cible et qui sont visées en premier, qui doivent disparaître et rester dans le sol, au maximum. Mais c'est vrai que dans le texte tel qu'on nous le présente pour l'instant, cette dimension-là n'apparaît pas formellement. 

Votre parcours personnel inclut un diplôme pédagogique. A votre avis, quels types de transformations dans le système éducatif permettrait de favoriser une transition bas-carbone ?
Je pense que le système éducatif avance plus vite que les politiques énergétiques. J'ai une fille qui, à l'école, étudie déjà les éoliennes, le système solaire, les économies d'énergie etc. Toutes des choses que moi je n'ai pas vues quand j'étais à l'école. Quelque part, ils sont presque en avance sur l'application de la politique. Je crois beaucoup au rôle de l'éducation. Je crois que les changements de mentalité et les changements de politiques ne vont venir que s'il y a une pression très large. Et pour avoir une pression large, il faut que ces réflexions sur le dérèglement climatique, sur les énergies renouvelables, sur la diminution de consommation des ressources énergétiques et plus globalement de la planète, tout ça doit passer par une prise de conscience qui est liée à l'éducation. Le problème, c'est qu'on doit aussi viser les publics qui sont déjà sortis de l'école. C'est une éducation permanente qu'il faudrait pouvoir implémenter, notamment sur les questions de gaspillage, de mobilité etc. On observe facilement des changements de pratiques chez les jeunes générations : le car-sharing par exemple, c’est réellement développé chez les jeunes. On ne doit plus être - j'espère que vous ne me démentirez pas - tous propriétaires de sa voiture. Il existe de nouveaux modes de consommation que ma génération n'a pas connus. Et je suis content de voir que pour les jeunes, ça existe. Mais on n'a pas le temps d'attendre que tous les jeunes soient formés à ça, il faut aussi éduquer les générations plus âgées. Je pense qu'il y a une sensibilisation plus forte quand on devient grands-parents que quand on est à courir tout le temps, essayer de gagner un maximum d'argent, partir en vacances en avion vite fait pour oublier tout ça. Un autre mode de vie aussi, c'est à ça qu'on doit arriver et ce sera beaucoup plus chouette d'après moi, tel que moi je peux le voir, que le mode de vie actuel. 


En effet, on vous a déjà entendu remettre en question les modes de production et de consommation, notamment par rapport au changement climatique. Est-ce qu'un changement de système, pour utiliser les grands mots, cela vous paraît possible ?
Nécessaire. Pour moi, ce n'est pas seulement possible, c'est nécessaire. Mais ma grosse question, c'est la tension que j'ai et je vis très profondément entre le délai qui nous est encore imparti par les travaux scientifiques et changer la société dans un système démocratique pour lequel je me bats - je me dis toujours que je suis démocrate avant d'être écologiste. On n'a plus que quinze ans pour changer le système, en démocratie, alors que les élections ne donnent pas ce signal car pour l'instant, les gens sont focalisés sur le très court terme. Je vis avec cette tension, j'essaie de faire que les choses se décident et s'implémentent le plus vite possible ; mais je dois bien me rendre compte que malheureusement, ça ne va pas, par rapport au temps qui nous est compté. Je n'ai pas envie de faire peur non plus. C'est compliqué de dire : on sait qu'il y a un calendrier qui est serré, on ne veut pas faire peur aux gens, on veut que ce soit démocratique, mais en fait cela traîne. Je ne suis pas noir ou blanc sur cette question. Il y a des soirs où je me dis : il faudrait être plus... est-ce que je le dis ? plus autoritaire. Et des soirs où je me dis : bon, on aura essayé et si les gens n'ont pas suivi, et changé leurs modes de consommation... C'est compliqué, très compliqué pour un responsable politique qui a ce type de convictions. Être traversé par des convictions démocratiques, non totalitaires, et en même temps se dire qu'on a un calendrier qui est restreint, ce n'est pas évident. 


Interview menée le 16/11/2016 par Marine Lugen (doctorante - mandat aspirant FNRS)
(1) Ils sont précisément 112 à la date de publication (21/11/2016) et étaient 110 au moment de l'interview.
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