Au moment où nous écrivons ces lignes, et à la suite des élections européennes, législatives et régionales du 26 mai dernier en Belgique, les différents gouvernements qui administreront le pays dans le futur n’ont pas encore tous été formés. Quel est l’impact de cette situation politique sur la représentation et l’action politique de la Belgique à l’international, particulièrement à la COP25 (25e Conférence des Parties qui se déroulera à Santiago en décembre prochain) si cet état de fait restait inchangé jusqu’en décembre ?
Compétences
Les compétences pertinentes pour la politique climatique sont multiples (environnement, énergie, mobilité, économie, finances, agriculture, santé, recherche, coopération au développement…). Parmi celles-ci, certaines des compétences clés pour mener une politique climatique font partie de domaines de compétences dits « mixtes », c’est-à-dire partagés entre l’état fédéral et les régions, suite aux réformes de l’état successives. C’est notamment le cas pour l’Environnement, l’Énergie et les Transports. Les gouvernements fédéraux et régionaux ont donc un rôle important à jouer tant dans la mise en œuvre des objectifs européens[1]en matière de climat mais également dans le respect de l’Accord de Paris que la Belgique a signé.
Lors des COPs et autres réunions internationales, la Belgique est représentée par une délégation gouvernementale afin de participer aux négociations et de porter nos positions. Dans ce cadre, en plus des experts et des scientifiques qui accompagnent la délégation, les représentants politiques ont aussi un rôle important à jouer[3]. Tout d’abord, le Premier Ministre : il est le chef d’État et incarne l’image de la Belgique à l’étranger. Ensuite, les ministres fédéraux et régionaux : ils représentent leurs compétences respectives et défendent leurs niveaux de pouvoirs respectifs.
La représentation de la Belgique dans les enceintes européennes et internationales fait l’objet d’accords de coopération[4][5]Dans le cas des COP, la représentation est assurée par le gouvernement fédéral. Toutefois, les régions sont également représentées au niveau ministériel, car les positions défendues par l’Union européenne (et donc par la Belgique) sont débattues sous une formation du Conseil de l’Union européenne, au sein de laquelle la Belgique est représentée par l’une des trois régions (actuellement, la Région de Bruxelles-Capitale). Il y a donc « cohabitation » de ministres régionaux et fédéraux lors des COP.[6]
Et à la COP25 ?
Aujourd’hui, les gouvernements régionaux (bruxellois, flamand et wallon) sont constitués et au travail. Quant à la formation d’un gouvernement fédéral, les partis politiques sont toujours dans l’impasse. Si le paysage politique belge actuel n’évolue pas d’ici la COP25, seuls les gouvernements régionaux seront en place. Dans ce contexte, la composition ministérielle de la délégation belge à la COP25 reste à ce jour indéterminée même si, on peut supposer que les ministres de l’environnement ou de l’énergie en feront partie. Le gouvernement fédéral est toujours « en affaires courantes », c’est-à-dire que, dans le système politique belge, il n’assure que les fonctions gouvernementales dont la continuité est jugée nécessaire, avec des compétences limitées. Cela signifie qu’il ne peut pas « arrêter de choix, prendre des décisions où poser des actes qui engageraient directement la Belgique »[7]. Néanmoins, même en affaire courante, les accords de coopération (mentionnés ci-dessus) sont toujours d’application.
En Belgique, la notion d’ « affaires courantes » ne fait pas l’objet d’une définition juridique à l’exception de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Cette notion a cependant évolué au cours du temps et son domaine d’action s’est élargi. L'action permise à un gouvernement fédéral en affaires courantes reste néanmoins fortement limitée en l'absence de contrôle parlementaire effectif. Dans le cas de la COP25, cela pourrait avoir pour effet de rendre plus compliquée la prise de décision. L’engagement effectif de la Belgique dans les négociations pourrait dès lors, s’en trouver limité.
En l’absence d’un gouvernement de plein exercice au niveau fédéral, et compte tenu de l’asymétrie entre les coalitions mises en place au niveau des trois régions, l’établissement des positions de la Belgique pour la COP25 risque de s’avérer compliquée, notamment pour tout ce qui touche à la délicate question de l’ambition climatique. En l’absence de consensus entre les différents gouvernements, le risque existe de favoriser le point de vue de ceux qui sont en défaveur des actions à mettre en place pour limiter le réchauffement climatique planétaire.
[4]Accord de coopération du 5 avril 1995 entre l'Etat fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale relatif à la politique internationale de l'environnement
[5]Accord-cadre du 30 juin 1994 sur la représentation de la Belgique auprès des organisations internationales poursuivant des activités relevant de compétences mixtes