L’agriculture : à la fois responsable et victime du changement climatique
Par Laura Bruno
Se nourrir est un besoin vital, et un régime sain est essentiel pour notre santé. Au cours des derniers siècles, l’homme a bâti un système de production alimentaire de plus en plus mondialisé et complexe. Mais à quoi cela est-il dû ? Tout ceci est possible grâce à une pratique que l’homme mit en place au cours des siècles et qui a permis -entre autres- son expansion : l’agriculture.
L’agriculture est aujourd’hui au cœur de la question climatique car elle y occupe la place très particulière de responsable mais également de victime du changement climatique.
L’agriculture responsable
L’agriculture représente 24% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine humaine (figure 1). Ce poste comprend les émissions directes de l’agriculture combinées à celles du changement d’affectation des sols et de la déforestation qui lui sont souvent liées (c’est-à-dire la modification physico-chimique des propriétés du sol ainsi que la production de denrées telles que l’huile de palme ou de bois qui engendrent une destruction massive des milieux forestiers).
L’agriculture est aujourd’hui au cœur de la question climatique car elle y occupe la place très particulière de responsable mais également de victime du changement climatique.
L’agriculture responsable
L’agriculture représente 24% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine humaine (figure 1). Ce poste comprend les émissions directes de l’agriculture combinées à celles du changement d’affectation des sols et de la déforestation qui lui sont souvent liées (c’est-à-dire la modification physico-chimique des propriétés du sol ainsi que la production de denrées telles que l’huile de palme ou de bois qui engendrent une destruction massive des milieux forestiers).
Parmi les émissions de gaz à effet de serre (GES) engendrées par l’agriculture, nous retrouvons en grande majorité du méthane, gaz résultant de la digestion du bétail et du stockage du fumier, ainsi que du protoxyde d’azote qui se dégage des engrais. Des gaz ayant un pouvoir de réchauffement global (PRG) sur 100 ans respectivement 25 et 300 fois plus élevé qu’une masse équivalente de dioxyde de carbone[1].
Bien entendu, la part de responsabilité de l’agriculture dans les émissions de GES que vous voyez sur ce graphique ne tient pas compte des autres étapes par lesquelles les produits agricoles passent avant d’arriver dans nos assiettes : stockage, transformation, emballage, transport, préparation, déchets, traitement des déchets…
Outre sa part de responsabilité dans le rejet de GES dans l’atmosphère, l'agriculture passe souvent par l’utilisation d'engrais contribuant au rejet de nitrates qui pénètrent dans les sols et les nappes phréatiques. Cette présence de nutriments (en particulier les phosphates et nitrates) en fortes concentrations dans les nappes et courants d'eau provoque l'eutrophisation. Ce phénomène favorise la prolifération des algues et raréfie l'oxygène dans l'eau, ce qui a de graves conséquences sur la vie aquatique et la qualité de l'eau[2].
Cependant, toutes les agricultures ne portent pas la même responsabilité. Une production agricole industrielle de distribution mondiale aura une empreinte écologique beaucoup plus importante qu’une agriculture bio et locale qui vend directement ses produits à la ferme.
Répondre à cette demande alimentaire exigeante en augmentant la superficie de terres cultivées aurait des effets préjudiciables sur l'environnement et le climat. En Europe, les terres les plus propices à l'exploitation agricole sont déjà, dans une large mesure, cultivées. La terre, en particulier la terre agricole fertile, constitue une ressource limitée en Europe et dans le monde[4].
Convertir des zones forestières en terres agricoles n'est pas non plus une solution, car les massifs forestiers ont une capacité importante d’absorption et stockage de carbone et de production d’oxygène, ce qui est très précieux. Comme pour de nombreux autres changements susceptibles d'être introduits en matière d'utilisation des sols, la déforestation menace également la biodiversité et altère encore davantage la capacité de la nature à faire face aux effets du changement climatique (par exemple la capacité d'absorber de fortes pluies et donc empêcher des inondations).
Au vu de ces différentes incidences subies par l’environnement, que faut-il faire ? Quel avenir pour l’agriculture ? Nous tenterons d’énoncer quelques pistes à envisager dans le troisième point de cet article. Avant cela, penchons-nous sur les changements climatiques impactant l’agriculture.
L’agriculture victime
L’agriculture est, comme nous le disions, un secteur émetteur important de GES dans le monde. Ce que ce secteur a de particulier (contrairement aux autres comme l’industrie ou le transport), c’est qu’il est également victime du changement climatique car il dépend, justement, du climat.
En effet, la qualité des cultures dépend de plusieurs facteurs : la durée et l’intensité d’ensoleillement et précipitations, la qualité du sol, de l’air, la présence de certaines espèces animales ou végétales, etc[5]. Or, le changement climatique perturbe fortement cet équilibre nécessaire à la production de cultures. De manière générale, le changement climatique allonge la période de croissance des végétaux ainsi que la période sans gel dans des régions comme le nord de l’Europe[6]. Ainsi, la productivité agricole pourrait croître dans ces régions et baisser dans des zones plus arides car les précipitations s’y feront plus rares.
Bien entendu, la part de responsabilité de l’agriculture dans les émissions de GES que vous voyez sur ce graphique ne tient pas compte des autres étapes par lesquelles les produits agricoles passent avant d’arriver dans nos assiettes : stockage, transformation, emballage, transport, préparation, déchets, traitement des déchets…
Outre sa part de responsabilité dans le rejet de GES dans l’atmosphère, l'agriculture passe souvent par l’utilisation d'engrais contribuant au rejet de nitrates qui pénètrent dans les sols et les nappes phréatiques. Cette présence de nutriments (en particulier les phosphates et nitrates) en fortes concentrations dans les nappes et courants d'eau provoque l'eutrophisation. Ce phénomène favorise la prolifération des algues et raréfie l'oxygène dans l'eau, ce qui a de graves conséquences sur la vie aquatique et la qualité de l'eau[2].
Cependant, toutes les agricultures ne portent pas la même responsabilité. Une production agricole industrielle de distribution mondiale aura une empreinte écologique beaucoup plus importante qu’une agriculture bio et locale qui vend directement ses produits à la ferme.
- Corrélation entre agriculture et croissance économique
Répondre à cette demande alimentaire exigeante en augmentant la superficie de terres cultivées aurait des effets préjudiciables sur l'environnement et le climat. En Europe, les terres les plus propices à l'exploitation agricole sont déjà, dans une large mesure, cultivées. La terre, en particulier la terre agricole fertile, constitue une ressource limitée en Europe et dans le monde[4].
Convertir des zones forestières en terres agricoles n'est pas non plus une solution, car les massifs forestiers ont une capacité importante d’absorption et stockage de carbone et de production d’oxygène, ce qui est très précieux. Comme pour de nombreux autres changements susceptibles d'être introduits en matière d'utilisation des sols, la déforestation menace également la biodiversité et altère encore davantage la capacité de la nature à faire face aux effets du changement climatique (par exemple la capacité d'absorber de fortes pluies et donc empêcher des inondations).
Au vu de ces différentes incidences subies par l’environnement, que faut-il faire ? Quel avenir pour l’agriculture ? Nous tenterons d’énoncer quelques pistes à envisager dans le troisième point de cet article. Avant cela, penchons-nous sur les changements climatiques impactant l’agriculture.
L’agriculture victime
L’agriculture est, comme nous le disions, un secteur émetteur important de GES dans le monde. Ce que ce secteur a de particulier (contrairement aux autres comme l’industrie ou le transport), c’est qu’il est également victime du changement climatique car il dépend, justement, du climat.
En effet, la qualité des cultures dépend de plusieurs facteurs : la durée et l’intensité d’ensoleillement et précipitations, la qualité du sol, de l’air, la présence de certaines espèces animales ou végétales, etc[5]. Or, le changement climatique perturbe fortement cet équilibre nécessaire à la production de cultures. De manière générale, le changement climatique allonge la période de croissance des végétaux ainsi que la période sans gel dans des régions comme le nord de l’Europe[6]. Ainsi, la productivité agricole pourrait croître dans ces régions et baisser dans des zones plus arides car les précipitations s’y feront plus rares.
Ce déplacement de zones de production ne sera pas sans conséquences : d’une part, il y aura des changements écosystémiques importants et d’autres part, des conséquences géo et sociopolitiques.
En ce qui concerne les changements écosystémiques, les modifications de températures et l’allongement des périodes de végétation pourraient entrainer la prolifération et la propagation de certaines espèces animales ou végétales nuisibles aux cultures, ainsi que des maladies, ce qui nuirait à la biodiversité et au rendement des cultures.
À côté de cela, les conséquences géo et sociopolitiques se feront ressentir suite à ce déplacement de production : certains pays se retrouveront sans ressources car le climat ne sera plus adapté à leurs cultures tandis que d’autres en disposeront de nouvelles. Cela entrainera très certainement conflits, migrations et compétitions.
Les modifications climatiques engendreront dans certains cas de mauvais rendements des cultures, ce qui menacera la sécurité alimentaire et provoquera une hausse des prix des aliments. Pour de nombreuses personnes dans le monde, il sera alors plus difficile d'avoir accès, à un prix abordable, aux produits alimentaires de base.
Comment pourrions-nous éviter les conflits ? Les migrations climatiques ? L’insécurité alimentaire liée au changement climatique ?
Des éléments de réponse peuvent être apportés, sans pour autant constituer une véritable solution, car la problématique de l’agriculture est complexe.
Des pistes face au problème
Les progrès techniques de l’agriculture, la modification de nos habitudes alimentaires, les productions de circuits courts, locales, en vrac ou bio, l’agriculture urbaine et l’agroécologie sont toutes les pistes à envisager pour la réduction des émissions liées à l’agriculture ainsi que l’occupation des sols.
Bien sûr, il s’agit là d’une liste non-exhaustive des différentes pistes à envisager pour faire évoluer notre modèle agricole actuel. C’est cependant grâce à ces différentes niches et à cette prise de conscience de la non-durabilité de notre système agricole que la question de l’agriculture fut discutée lors des précédentes COP. Ce fut notamment le cas l’année passée à la COP23, une COP qui s’inscrivait dans la séquence du programme de travail de Paris, commencée lors de la COP21 en décembre 2015. Cette séquence s'achèvera par l'approbation au consensus des décisions d'application de l'Accord à Katowice (Pologne) lors de la COP24 que nous suivrons de très près.
En 2015 lors de la COP21, l'Accord de Paris a renouvelé l’importance de la sécurité alimentaire et a introduit de nouvelles dispositions pour le secteur des terres, y compris les forêts. Comme le souligne la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), 90% des Contributions nationalement déterminées (NDC) des Parties incluent l'agriculture ou le secteur des terres dans leurs objectifs d'atténuation. Sur les 70% de NDC dotées d'un volet adaptation, la quasi-intégralité mentionne l'agriculture ou le secteur des terres comme des secteurs prioritaires.
Une attention particulière sera portée aux besoins et aux défis des pays les moins développés. Un compromis entre toutes les Parties sera activement recherché, dans les objectifs de l'Accord de Paris et de ses principes d'une action climatique internationale équitable et ambitieuse.
Nous nous retrouverons donc en décembre afin de constater ensemble quelles seront les décisions élaborées et adoptées sur ce sujet à Katowice.
[1] https://www.liberation.fr/terre/2015/02/20/agriculture-et-climat-une-relation-contre-nature_1206800
[2] Cours « Fonctionnement et gestion des environnements agricoles et aquatiques – 201718 » - ULB.
[3] https://www.eea.europa.eu/fr/signaux/signaux-2015/articles/agriculture-et-changement-climatique
[4] https://www.eea.europa.eu/fr/signaux/signaux-2015/articles/agriculture-et-changement-climatique
[5] Cours « Fonctionnement et gestion des environnements agricoles et aquatiques – 201718 » - ULB.
[6] https://www.eea.europa.eu/fr/signaux/signaux-2015/articles/agriculture-et-changement-climatique
Sources :
https://www.eea.europa.eu/fr/signaux/signaux-2015/articles/agriculture-et-changement-climatique
http://www.fao.org/3/a-i6398f.pdf
https://www.liberation.fr/terre/2015/02/20/agriculture-et-climat-une-relation-contre-nature_1206800
http://www.fondation-nature-homme.org/sites/default/files/publications/101110_agriculture_et_gaz_a_effet_de_serre-etat_des_lieux_et_perspectives.pdf
Cours « Fonctionnement et gestion des environnements agricoles et aquatiques – 201718 » - ULB.
https://www.viande.info/elevage-viande-sous-alimentation
En ce qui concerne les changements écosystémiques, les modifications de températures et l’allongement des périodes de végétation pourraient entrainer la prolifération et la propagation de certaines espèces animales ou végétales nuisibles aux cultures, ainsi que des maladies, ce qui nuirait à la biodiversité et au rendement des cultures.
À côté de cela, les conséquences géo et sociopolitiques se feront ressentir suite à ce déplacement de production : certains pays se retrouveront sans ressources car le climat ne sera plus adapté à leurs cultures tandis que d’autres en disposeront de nouvelles. Cela entrainera très certainement conflits, migrations et compétitions.
Les modifications climatiques engendreront dans certains cas de mauvais rendements des cultures, ce qui menacera la sécurité alimentaire et provoquera une hausse des prix des aliments. Pour de nombreuses personnes dans le monde, il sera alors plus difficile d'avoir accès, à un prix abordable, aux produits alimentaires de base.
Comment pourrions-nous éviter les conflits ? Les migrations climatiques ? L’insécurité alimentaire liée au changement climatique ?
Des éléments de réponse peuvent être apportés, sans pour autant constituer une véritable solution, car la problématique de l’agriculture est complexe.
Des pistes face au problème
Les progrès techniques de l’agriculture, la modification de nos habitudes alimentaires, les productions de circuits courts, locales, en vrac ou bio, l’agriculture urbaine et l’agroécologie sont toutes les pistes à envisager pour la réduction des émissions liées à l’agriculture ainsi que l’occupation des sols.
Bien sûr, il s’agit là d’une liste non-exhaustive des différentes pistes à envisager pour faire évoluer notre modèle agricole actuel. C’est cependant grâce à ces différentes niches et à cette prise de conscience de la non-durabilité de notre système agricole que la question de l’agriculture fut discutée lors des précédentes COP. Ce fut notamment le cas l’année passée à la COP23, une COP qui s’inscrivait dans la séquence du programme de travail de Paris, commencée lors de la COP21 en décembre 2015. Cette séquence s'achèvera par l'approbation au consensus des décisions d'application de l'Accord à Katowice (Pologne) lors de la COP24 que nous suivrons de très près.
En 2015 lors de la COP21, l'Accord de Paris a renouvelé l’importance de la sécurité alimentaire et a introduit de nouvelles dispositions pour le secteur des terres, y compris les forêts. Comme le souligne la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), 90% des Contributions nationalement déterminées (NDC) des Parties incluent l'agriculture ou le secteur des terres dans leurs objectifs d'atténuation. Sur les 70% de NDC dotées d'un volet adaptation, la quasi-intégralité mentionne l'agriculture ou le secteur des terres comme des secteurs prioritaires.
Une attention particulière sera portée aux besoins et aux défis des pays les moins développés. Un compromis entre toutes les Parties sera activement recherché, dans les objectifs de l'Accord de Paris et de ses principes d'une action climatique internationale équitable et ambitieuse.
Nous nous retrouverons donc en décembre afin de constater ensemble quelles seront les décisions élaborées et adoptées sur ce sujet à Katowice.
[1] https://www.liberation.fr/terre/2015/02/20/agriculture-et-climat-une-relation-contre-nature_1206800
[2] Cours « Fonctionnement et gestion des environnements agricoles et aquatiques – 201718 » - ULB.
[3] https://www.eea.europa.eu/fr/signaux/signaux-2015/articles/agriculture-et-changement-climatique
[4] https://www.eea.europa.eu/fr/signaux/signaux-2015/articles/agriculture-et-changement-climatique
[5] Cours « Fonctionnement et gestion des environnements agricoles et aquatiques – 201718 » - ULB.
[6] https://www.eea.europa.eu/fr/signaux/signaux-2015/articles/agriculture-et-changement-climatique
Sources :
https://www.eea.europa.eu/fr/signaux/signaux-2015/articles/agriculture-et-changement-climatique
http://www.fao.org/3/a-i6398f.pdf
https://www.liberation.fr/terre/2015/02/20/agriculture-et-climat-une-relation-contre-nature_1206800
http://www.fondation-nature-homme.org/sites/default/files/publications/101110_agriculture_et_gaz_a_effet_de_serre-etat_des_lieux_et_perspectives.pdf
Cours « Fonctionnement et gestion des environnements agricoles et aquatiques – 201718 » - ULB.
https://www.viande.info/elevage-viande-sous-alimentation