Le grand écart entre engagements et réalité: un monde à 1,5°C est-il encore possible?
Le 3 novembre dernier, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) a remis la septième édition de son "Emissions Gap Report", chargé de rendre compte de la manière dont les actions des pays affectent les tendances d'émissions globales par rapport aux trajectoires nécessaires pour respecter l'objectif de limitation du réchauffement fixé par la communauté internationale. Le constat est indéniable: en dépit du momentum de Paris, tout le travail reste à faire - et le temps est compté.

La signature de l'Accord de Paris en décembre 2015 a marqué l'histoire des négociations climatiques internationales : pour la première fois, tous les pays du monde s'engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin d'atténuer le phénomène du changement climatique. L'Accord se fixe en outre un objectif long terme extrêmement ambitieux : celui de limiter à 2°C maximum, et tendre vers 1,5°C, le réchauffement de la planète par rapport à l'ère préindustrielle.
La question qui se pose alors est celle de savoir si les émissions agrégées des Parties sont compatibles avec cet objectif, jugé par ailleurs indispensable par les scientifiques pour espérer limiter les impacts du changement climatique et les canaliser dans un espace de "sécurité". Ou encore: qu'implique les objectifs de 1,5°C et 2°C en termes d'émissions de gaz à effet de serre et combien de temps nous reste-t-il avant d'atteindre les plafonds correspondants?
En se basant sur les contributions nationales remises par (quasi) toutes les parties ayant signé l'Accord de Paris post-2020, et en examinant leurs engagements préalables dits de Cancun, ce nouveau rapport du PNUE ambitionne de répondre à ces questions cruciales. En combinant les rapports scientifiques récents et robustes, le PNUE nous met en garde: nous nous dirigeons vers un réchauffement d'environ 3,2°C - ce qui implique des conséquences catastrophiques en termes de perte de biodiversité et de ressources naturelles. Des actions pré-2020 supplémentaires et ambitieuses sont la dernière chance de ne pas dépasser la limite de 1,5°C, qui pourrait être atteinte d'ici trois années seulement.
La question qui se pose alors est celle de savoir si les émissions agrégées des Parties sont compatibles avec cet objectif, jugé par ailleurs indispensable par les scientifiques pour espérer limiter les impacts du changement climatique et les canaliser dans un espace de "sécurité". Ou encore: qu'implique les objectifs de 1,5°C et 2°C en termes d'émissions de gaz à effet de serre et combien de temps nous reste-t-il avant d'atteindre les plafonds correspondants?
En se basant sur les contributions nationales remises par (quasi) toutes les parties ayant signé l'Accord de Paris post-2020, et en examinant leurs engagements préalables dits de Cancun, ce nouveau rapport du PNUE ambitionne de répondre à ces questions cruciales. En combinant les rapports scientifiques récents et robustes, le PNUE nous met en garde: nous nous dirigeons vers un réchauffement d'environ 3,2°C - ce qui implique des conséquences catastrophiques en termes de perte de biodiversité et de ressources naturelles. Des actions pré-2020 supplémentaires et ambitieuses sont la dernière chance de ne pas dépasser la limite de 1,5°C, qui pourrait être atteinte d'ici trois années seulement.
Le gap
Un premier constat, qui est vrai sur le long terme, est que le niveau global d'émissions continue d'augmenter chaque année. En 2014, ce niveau atteint approximativement 52.7 gigatonnes d'équivalent carbone (GtCO2e), dont 68% émane de la combustion d'énergies fossiles et d'activités industrielles.
Si l'on prend au sérieux l'objectif 1.5°, le budget carbone est conséquemment considérablement réduit. Ainsi, pour avoir 50% de chance de limiter le réchauffement à 1,5°C, ce total ne peut excéder 39GtCO2e en 2030. Pour 66% de chance de ne pas dépasser 2°C, cette limite est de 42GtCO2e .
Un premier constat, qui est vrai sur le long terme, est que le niveau global d'émissions continue d'augmenter chaque année. En 2014, ce niveau atteint approximativement 52.7 gigatonnes d'équivalent carbone (GtCO2e), dont 68% émane de la combustion d'énergies fossiles et d'activités industrielles.
Si l'on prend au sérieux l'objectif 1.5°, le budget carbone est conséquemment considérablement réduit. Ainsi, pour avoir 50% de chance de limiter le réchauffement à 1,5°C, ce total ne peut excéder 39GtCO2e en 2030. Pour 66% de chance de ne pas dépasser 2°C, cette limite est de 42GtCO2e .
Ce graphique nous montre que, en comparaison avec un scénario sans effort supplémentaire dans les politiques climatiques depuis 2005 (scénario 'baseline'), les trajectoires et engagements actuels nous mènent à un niveau de 53-55GtCO2e d'émissions en 2030. Ceci résulte donc des promesses émanant des contributions nationales des pays (les fameux "INDC" remis par les Parties en marge de l'Accord de Paris), en considérant que ces promesses seront intégralement remplies. La différence entre les INDCs conditionnels et inconditionnels s'entend comme la part des engagements que les pays en développement lient à une forme d'aide internationale, dont nous ne savons encore s'ils rencontreront des financements ou non.
Le 'gap' d'émissions qui en résulte est ainsi de 12-14GtCO2e pour la limite 2°C, et 15-17GtCO2e pour la limite 1.5°C - à nouveau, si les INDCs sont intégralement implémentés et respectés. In fine, il apparaît clair que s'ils représentent une avancée par rapport aux engagements précédents, ils sont loin d'être suffisants pour respecter l'objectif long terme fixé dans l'Accord de Paris, particulièrement l'objectif 1,5°C. Sans compter que la plupart des scénarios (tant pour 1,5 que 2°C) comptent sur l'introduction de technologies à émissions négatives dans la seconde partie du siècle, sans savoir au juste si elle sera possible ni même désirable.
Quelles solutions?
La fenêtre d'action permettant de respecter l'objectif fixé par Paris s'étiole. La lenteur des actions ne fait pas le poids face à la rapidité du changement climatique. Le rapport du PNUE lance un appel indéniable à l'action, et à l'action rapide. Pour reprendre les mots de Jacqueline McGlade, chef scientifique du PNUE, " “It’s just too little, and it’s not happening quickly enough”. Et de rappeler qu'un pic d'émissions doit être atteint en 2020 pour espérer limiter le réchauffement à 1,5°C.
Ce 7ème rapport, qui ne diverge pas fondamentalement des précédents dans ses conclusions, essaie toutefois de proposer des sorties d'actions concrètes. Pour ce faire, il s'intéresse aux initiatives des acteurs non étatiques et aux opportunités d'améliorer l'efficience énergétique. Des acteurs comme les entreprises privées, les secteurs, les villes sont invités à participer à l'effort de réductions car eux "n'ont pas besoin d'attendre". Une augmentation de l'ambition, selon le PNUE, doit passer par une action collective pour un renforcement des efforts à la fois au niveau étatique et non-étatique. Plusieurs tonnes de GtCO2e pourraient ainsi être évitées, et une chance de remplir l'écart entre engagements et réalité subsiste. Elle est fine, fragile et unique - il s'agit de ne pas la laisser filer.
Le 'gap' d'émissions qui en résulte est ainsi de 12-14GtCO2e pour la limite 2°C, et 15-17GtCO2e pour la limite 1.5°C - à nouveau, si les INDCs sont intégralement implémentés et respectés. In fine, il apparaît clair que s'ils représentent une avancée par rapport aux engagements précédents, ils sont loin d'être suffisants pour respecter l'objectif long terme fixé dans l'Accord de Paris, particulièrement l'objectif 1,5°C. Sans compter que la plupart des scénarios (tant pour 1,5 que 2°C) comptent sur l'introduction de technologies à émissions négatives dans la seconde partie du siècle, sans savoir au juste si elle sera possible ni même désirable.
Quelles solutions?
La fenêtre d'action permettant de respecter l'objectif fixé par Paris s'étiole. La lenteur des actions ne fait pas le poids face à la rapidité du changement climatique. Le rapport du PNUE lance un appel indéniable à l'action, et à l'action rapide. Pour reprendre les mots de Jacqueline McGlade, chef scientifique du PNUE, " “It’s just too little, and it’s not happening quickly enough”. Et de rappeler qu'un pic d'émissions doit être atteint en 2020 pour espérer limiter le réchauffement à 1,5°C.
Ce 7ème rapport, qui ne diverge pas fondamentalement des précédents dans ses conclusions, essaie toutefois de proposer des sorties d'actions concrètes. Pour ce faire, il s'intéresse aux initiatives des acteurs non étatiques et aux opportunités d'améliorer l'efficience énergétique. Des acteurs comme les entreprises privées, les secteurs, les villes sont invités à participer à l'effort de réductions car eux "n'ont pas besoin d'attendre". Une augmentation de l'ambition, selon le PNUE, doit passer par une action collective pour un renforcement des efforts à la fois au niveau étatique et non-étatique. Plusieurs tonnes de GtCO2e pourraient ainsi être évitées, et une chance de remplir l'écart entre engagements et réalité subsiste. Elle est fine, fragile et unique - il s'agit de ne pas la laisser filer.
par Marine Lugen (doctorante - mandat d'aspirant FNRS)
le 15/11/2016
le 15/11/2016
Le rapport complet peut être consulté sur le site du Programme des Nations Unies pour l'Environnement - PNUE (en anglais): uneplive.unep.org/media/docs/theme/13/Emissions_Gap_Report_2016.pdf