Les déplacements forcés : un appel des Tuvaluans - Par Juliette Garain

Les déplacements forcés liés au changement climatique sont de plus en plus documentés et débattus dans les négociations, notamment avec la création de la Platform on Disaster Displacement en 2016. Mais la COP24 est aussi l’occasion de rencontrer les acteurs de terrain, qui peuvent nous raconter leur expérience et leurs actions locales.
C’est ainsi que nous avons eu l’occasion d’écouter le témoignage d’un habitant de Tuvalu, Maina Talia, du Tuvalu Climate Action Network. Cet archipel de l’océan Pacifique est devenu le symbole du changement climatique, incarnant les impacts qui y sont liés et qui semblaient pourtant lointains[1]. Subissant des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, l’archipel fait partie des 38 petits états insulaires dont l’existence même est menacée par la montée des eaux. En effet, l’augmentation moyenne du niveau des mers pourrait atteindre deux mètres d’ici 2100, or le point culminant de l’archipel est élevé d’à peine 5 mètre au-dessus du niveau de la mer.
Carte issue de Encyclopaedia Universalis
Cet état-nation a donc été un des premiers à aborder la question des réfugiés climatiques sur la scène internationale, développant un discours sur la vulnérabilité[2], qui a été repris par Maina Talia, que nous avons rencontrée. Il nous décrit son archipel et les problèmes qu’il rencontre, notamment en matière d’accès à l’eau potable, sa contribution presque nulle aux émissions de gaz à effet de serre, en totale disproportion avec la force des désastres environnementaux subis. Dans ce registre de vulnérabilité, il nous dépeint sa communauté comme étant fortement soudée, avec des valeurs de vivre-ensemble exacerbées : « il n’y a pas de place pour l’individualisme à Tuvalu, on mange ensemble, on danse ensemble, on rit ensemble, on chante ensemble. Le problème de pauvreté est absent, on ne voit pas des gens à la rue et on peut vivre sans argent, on prend soin les uns des autres ». Bien qu’il s’agisse probablement là d’une vision idéalisée de la réalité, la cohésion sociale dans les communautés est extrêmement forte sur ces îles[3] et ce sont précisément ces valeurs qu’il cherche à défendre : « il y a une peur de perdre ces valeurs communautaires à causes des problèmes climatiques. On parle de ‘’dommages’’ créés par le changement climatique et des ‘’compensations’’, comme si la perte de la culture, des valeurs et de l’identité étaient quelque chose que l’on pouvait compenser, calculer ».
Face à ce discours, la nécessité d’agir pour prévenir semble d’autant plus capital. La proposition du gouvernement des Fidji, en 2017, d’accueillir les Tuvaluans si leurs terres venaient à disparaitre est alors loin de la volonté des Tuvaluans. Car quand on se questionne à propos des relocalisations de populations sur la scène internationale, on oublie souvent dans les débats que de nombreuses victimes des catastrophes climatiques s’opposent à la migration.
Cependant, si la montée des eaux, telle qu’on la prévoit, devient une réalité, la recherche d’une terre d’asile deviendra la seule option possible pour le peuple des Tuvalu. Or il y a là une lacune dans le droit international ; la réinstallation permanente d’une population est un phénomène inédit qu’il est nécessaire d’envisager. Il faudrait créer une nouvelle forme d’apatridie. Sans oublier que les gouvernements à travers le monde se montrent assez rétifs quant à l’accueil des immigrés. À titre d’exemple, dès 2007, la sénatrice australienne Kerry Nettle a proposé, sans succès la création d’une nouvelle catégorie de visa : le Climate Refugee Visa, qui permettrait d’accueillir des tuvaluans[4].
Mais comment garantir un accueil à ces peuples sans territoire, maintenir leurs institutions, leur culture, leur langue ? Les déplacés climatiques devront transmettre leur statut de réfugié de génération en génération ? Ces questions de Christel Cournil, spécialiste des migrations environnementales, ont été posées en 2010 et restent sans réponses politiques.
[1] François Gemenne, « Tuvalu, un laboratoire du changement climatique ? Une critique empirique de la rhétorique des « canaris dans la mine » », Revue Tiers Monde 2010/4 (n°204), pp. 93
[2] Ibidem
[3] Ibidem, pp. 96
[4] Christel Cournil, Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux », Revue Tiers Monde 2010/4 (n°204), pp. 40
Face à ce discours, la nécessité d’agir pour prévenir semble d’autant plus capital. La proposition du gouvernement des Fidji, en 2017, d’accueillir les Tuvaluans si leurs terres venaient à disparaitre est alors loin de la volonté des Tuvaluans. Car quand on se questionne à propos des relocalisations de populations sur la scène internationale, on oublie souvent dans les débats que de nombreuses victimes des catastrophes climatiques s’opposent à la migration.
Cependant, si la montée des eaux, telle qu’on la prévoit, devient une réalité, la recherche d’une terre d’asile deviendra la seule option possible pour le peuple des Tuvalu. Or il y a là une lacune dans le droit international ; la réinstallation permanente d’une population est un phénomène inédit qu’il est nécessaire d’envisager. Il faudrait créer une nouvelle forme d’apatridie. Sans oublier que les gouvernements à travers le monde se montrent assez rétifs quant à l’accueil des immigrés. À titre d’exemple, dès 2007, la sénatrice australienne Kerry Nettle a proposé, sans succès la création d’une nouvelle catégorie de visa : le Climate Refugee Visa, qui permettrait d’accueillir des tuvaluans[4].
Mais comment garantir un accueil à ces peuples sans territoire, maintenir leurs institutions, leur culture, leur langue ? Les déplacés climatiques devront transmettre leur statut de réfugié de génération en génération ? Ces questions de Christel Cournil, spécialiste des migrations environnementales, ont été posées en 2010 et restent sans réponses politiques.
[1] François Gemenne, « Tuvalu, un laboratoire du changement climatique ? Une critique empirique de la rhétorique des « canaris dans la mine » », Revue Tiers Monde 2010/4 (n°204), pp. 93
[2] Ibidem
[3] Ibidem, pp. 96
[4] Christel Cournil, Émergence et faisabilité des protections en discussion sur les « réfugiés environnementaux », Revue Tiers Monde 2010/4 (n°204), pp. 40