Move the climate! Interview du WWF Belgique
Inside Paris: De manière générale, qu'attend le WWF de la Conférence de Paris?
Le rôle des décideurs politiques mondiaux sera déterminant pour parvenir à un accord qui permette une réduction efficace des émissions de gaz à effet de serre et la préservation de notre planète. Nous savons tous qu’il y a urgence. Le WWF a des attentes dans cinq grand domaines : la protection des plus vulnérables, des signaux forts d’une sortie équitable des émissions, de solides fondations pour le financement, un mécanisme équitable et continu d’augmentation des efforts, et enfin la reconnaissance du retard pris dans la mise en œuvre des actions concrètes. Et nous espérons que l’accord de Paris les inclut toutes. Bien sûr, au-delà du monde politique, des centaines d’initiatives citoyennes et du secteur privé sont prises et tout cela va continuer à prendre de l’ampleur au-delà du Sommet de Paris. Donc même si l’accord de Paris n’est pas à la hauteur des enjeux, cela ne signifie absolument que tout espoir est perdu. Ce serait une grande déception mais les ONG et les citoyens continueront à aller de l’avant quoi qu’il arrive.
Inside Paris: Dans ce contexte, comment jugez-vous les engagements européens?
Le 18 septembre, l’UE a présenté sa feuille de route pour la COP 21 à Paris. Bien que l'UE ait réussi à surmonter ses divisions internes, sa position globale n’est pas assez ambitieuse. L’UE est une des plus grandes économies mondiales et a les moyens financiers de prendre les mesures climatiques qui s’imposent. Actuellement, ses engagements financiers sont souvent vagues et son objectif de réduction de 40% des émissions de CO2 d’ici 2030 n’est pas en lien avec la science. Le WWF plaide donc pour que l’UE réduise d’au moins 55% ses émissions d’ici 2030. Ce qui est positif c’est que l’UE va plaider à Paris pour un mécanisme d’évaluation robuste de l’accord global, dans lequel les objectifs pourraient être réévalués à la hausse tous les 5 ans au plus tard.
Le 10 novembre, les ministres européens des Finances ont pris une décision concernant le financement climatique de l’UE. Nous apprécions les avancées pour contribuer à mobiliser 100 milliards de dollars dès 2020 pour l’action climatique, mais nous regrettons le manque de clarté derrière les chiffres. Nous plaidons pour que l’argent mis sur la table ne provienne pas de l’aide au développement, mais soit bien additionnel à celui-ci.
L’Europe doit prendre un rôle de leader dans le processus de négociation en tant que membre des pays industrialisés afin d’indiquer qu’elle a la volonté de parvenir à un accord équilibré et ambitieux. L’Europe peut également jouer un rôle clé pour construire des ponts entre les différents groupes de négociateurs et instaurer un climat de confiance. Cependant, pour ce faire, l’Europe doit montrer qu’elle veut faire évoluer son économie vers une économie ‘low carbon’ – elle en a en tous cas les moyens et la technologie.
Inside Paris: Et ceux de la Belgique?WWF: La Belgique doit jouer un rôle progressiste au sein de l’Europe pour plus d’ambition climatique, mais doit également faire son devoir en interne. Cela fait 6 ans que les ministres fédéraux et régionaux ne parviennent pas à s’accorder sur une distribution nationale des objectifs climatiques. L’Agence européenne de l’Environnement a dénoncé que sur base des efforts actuels, les objectifs de la Belgique en termes de réduction des émissions dans le secteur non-ETS (15% d’ici 2020) et d’énergies renouvelables (13% en 2020) ne seront pas atteints. Cela fait de la Belgique l’un des pires élèves de la classe. Cette situation décrédibilise notre pays sur la scène internationale. Cela aura des conséquences sur la position que la Belgique peut prendre à la COP21 à Paris. Cela sera difficile d’être ambitieux au niveau international si on ne parvient même pas, depuis 6 ans, à gérer les mesures climatiques dans notre pays. Parvenir à une répartition nationale des efforts climatiques n’est pourtant que le premier pas. Viennent ensuite les mesures concrètes pour y arriver. Il n’y a à ce jour pas de successeur au Plan national Climat, qui a expiré en 2012, et nul ne sait quand cela arrivera. Les actions climatiques en Belgique manquent donc d’efficacité et de cohérence.
Ce manque de coordination entre les entités fédérale et régionales aura aussi un impact sur la participation belge au financement climatique international. La participation actuelle est très insuffisante : le fédéral a promis 50 millions (qui viennent du budget de la coopération au développement et ne sont pas additionnels), Bruxelles 750 000 euros, la Wallonie 7 millions et la Flandre n’a pas communiqué du tout sur leur financement international. Le WWF, ensemble avec la Plateforme justice climatique, demande de la clarté sur le financement international pour les années à venir. On attend que la répartition des efforts climatiques soit mise en place et que l’argent promis soit utilisé pour la lutte contre le réchauffement climatique. De nouveau, cette situation décrédibilise la Belgique en tant que partenaire de négociation et n’est pas propice à générer de la confiance vis-à-vis de notre pays.
Inside Paris: Le WWF a établi de longue date des partenariats avec le secteur privé, en particulier sur le thème des enjeux climatiques. Cela ne pourrait-il pas parfois contribuer à réduire le niveau d'ambition, quand on connait la réticence de certaines grandes entreprises à investir à aller vers une transition bas-carbone?
Il est vrai que le WWF considère que si les entreprises font partie du problème climatique et environnemental, elles font alors aussi partie de la solution. Le WWF apporte son expertise à certaines entreprises et les pousse à adopter des objectifs climatiques et environnementaux ambitieux. Cette année, le WWF, en partenariat avec CDP, United Nations Global Compact et le World Resources Institute, a développé un nouvel outil à destination des entreprises : le Science Based Targets. Cet outil permet aux entreprises que les objectifs climatiques qu’elles se fixent soient alignés avec la science et permettent bien de rester sous la barre des 2°C d’augmentation de la température moyenne mondiale Pour le WWF, le résultat des mesures prises par les entreprises est primordial, il faut que cela ait de l’impact concret. C’est de toute façon aussi dans l’intérêt de l’entreprise d’être plus efficace en matière d’énergie et de moins polluer. D’ailleurs, le secteur privé est en train d’évoluer et les investissements dans les énergies polluantes comme le charbon diminuent. Mais la bataille est loin d’être gagnée, c’est pourquoi il faut continuer à pousser les entreprises dans la bonne direction, et leur fournir des outils concrets pour cela, ce que fait le WWF.
Inside Paris: Enfin suite aux évènements tragiques de Paris, de nombreuses manifestations, dont la Grande marche pour le climat du 29/11, ont été annulés. Craignez-vous que cette présence réduite de la société civile ait des répercussions négatives sur les résultats de la négociation?
Tous les travailleurs de notre organisation ont été choqués de ce qui s’est produit à Paris. Nous comprenons le besoin de sécurité renforcée mais nous déplorons que certaines mobilisations citoyennes clés, comme la Grande marche pour le climat du 29 novembre, aient été annulées. Plus que jamais, les citoyens veulent se faire entendre, dire leur inquiétude et leur envie d’action politique. En Belgique, Climate Express, l’organisation qui devait emmener 10000 Belges à Paris, a trouvé une alternative. Tout le monde ira à Ostende. Nos amis français, qui n’auront pas l’opportunité de marcher pour le Climat, ont lancé la campagne #March4us, où ils demandent à tous les citoyens du monde de prendre part à des marches pour le Climat en leur nom. Donc peu importe le lieu, la mobilisation citoyenne ce dimanche sera mondiale, avec des centaines de marches planifiées ! La voix des gens, positive et déterminée, devra être entendue par les décideurs politiques enfermés dans leurs salles de négociation!
Le rôle des décideurs politiques mondiaux sera déterminant pour parvenir à un accord qui permette une réduction efficace des émissions de gaz à effet de serre et la préservation de notre planète. Nous savons tous qu’il y a urgence. Le WWF a des attentes dans cinq grand domaines : la protection des plus vulnérables, des signaux forts d’une sortie équitable des émissions, de solides fondations pour le financement, un mécanisme équitable et continu d’augmentation des efforts, et enfin la reconnaissance du retard pris dans la mise en œuvre des actions concrètes. Et nous espérons que l’accord de Paris les inclut toutes. Bien sûr, au-delà du monde politique, des centaines d’initiatives citoyennes et du secteur privé sont prises et tout cela va continuer à prendre de l’ampleur au-delà du Sommet de Paris. Donc même si l’accord de Paris n’est pas à la hauteur des enjeux, cela ne signifie absolument que tout espoir est perdu. Ce serait une grande déception mais les ONG et les citoyens continueront à aller de l’avant quoi qu’il arrive.
Inside Paris: Dans ce contexte, comment jugez-vous les engagements européens?
Le 18 septembre, l’UE a présenté sa feuille de route pour la COP 21 à Paris. Bien que l'UE ait réussi à surmonter ses divisions internes, sa position globale n’est pas assez ambitieuse. L’UE est une des plus grandes économies mondiales et a les moyens financiers de prendre les mesures climatiques qui s’imposent. Actuellement, ses engagements financiers sont souvent vagues et son objectif de réduction de 40% des émissions de CO2 d’ici 2030 n’est pas en lien avec la science. Le WWF plaide donc pour que l’UE réduise d’au moins 55% ses émissions d’ici 2030. Ce qui est positif c’est que l’UE va plaider à Paris pour un mécanisme d’évaluation robuste de l’accord global, dans lequel les objectifs pourraient être réévalués à la hausse tous les 5 ans au plus tard.
Le 10 novembre, les ministres européens des Finances ont pris une décision concernant le financement climatique de l’UE. Nous apprécions les avancées pour contribuer à mobiliser 100 milliards de dollars dès 2020 pour l’action climatique, mais nous regrettons le manque de clarté derrière les chiffres. Nous plaidons pour que l’argent mis sur la table ne provienne pas de l’aide au développement, mais soit bien additionnel à celui-ci.
L’Europe doit prendre un rôle de leader dans le processus de négociation en tant que membre des pays industrialisés afin d’indiquer qu’elle a la volonté de parvenir à un accord équilibré et ambitieux. L’Europe peut également jouer un rôle clé pour construire des ponts entre les différents groupes de négociateurs et instaurer un climat de confiance. Cependant, pour ce faire, l’Europe doit montrer qu’elle veut faire évoluer son économie vers une économie ‘low carbon’ – elle en a en tous cas les moyens et la technologie.
Inside Paris: Et ceux de la Belgique?WWF: La Belgique doit jouer un rôle progressiste au sein de l’Europe pour plus d’ambition climatique, mais doit également faire son devoir en interne. Cela fait 6 ans que les ministres fédéraux et régionaux ne parviennent pas à s’accorder sur une distribution nationale des objectifs climatiques. L’Agence européenne de l’Environnement a dénoncé que sur base des efforts actuels, les objectifs de la Belgique en termes de réduction des émissions dans le secteur non-ETS (15% d’ici 2020) et d’énergies renouvelables (13% en 2020) ne seront pas atteints. Cela fait de la Belgique l’un des pires élèves de la classe. Cette situation décrédibilise notre pays sur la scène internationale. Cela aura des conséquences sur la position que la Belgique peut prendre à la COP21 à Paris. Cela sera difficile d’être ambitieux au niveau international si on ne parvient même pas, depuis 6 ans, à gérer les mesures climatiques dans notre pays. Parvenir à une répartition nationale des efforts climatiques n’est pourtant que le premier pas. Viennent ensuite les mesures concrètes pour y arriver. Il n’y a à ce jour pas de successeur au Plan national Climat, qui a expiré en 2012, et nul ne sait quand cela arrivera. Les actions climatiques en Belgique manquent donc d’efficacité et de cohérence.
Ce manque de coordination entre les entités fédérale et régionales aura aussi un impact sur la participation belge au financement climatique international. La participation actuelle est très insuffisante : le fédéral a promis 50 millions (qui viennent du budget de la coopération au développement et ne sont pas additionnels), Bruxelles 750 000 euros, la Wallonie 7 millions et la Flandre n’a pas communiqué du tout sur leur financement international. Le WWF, ensemble avec la Plateforme justice climatique, demande de la clarté sur le financement international pour les années à venir. On attend que la répartition des efforts climatiques soit mise en place et que l’argent promis soit utilisé pour la lutte contre le réchauffement climatique. De nouveau, cette situation décrédibilise la Belgique en tant que partenaire de négociation et n’est pas propice à générer de la confiance vis-à-vis de notre pays.
Inside Paris: Le WWF a établi de longue date des partenariats avec le secteur privé, en particulier sur le thème des enjeux climatiques. Cela ne pourrait-il pas parfois contribuer à réduire le niveau d'ambition, quand on connait la réticence de certaines grandes entreprises à investir à aller vers une transition bas-carbone?
Il est vrai que le WWF considère que si les entreprises font partie du problème climatique et environnemental, elles font alors aussi partie de la solution. Le WWF apporte son expertise à certaines entreprises et les pousse à adopter des objectifs climatiques et environnementaux ambitieux. Cette année, le WWF, en partenariat avec CDP, United Nations Global Compact et le World Resources Institute, a développé un nouvel outil à destination des entreprises : le Science Based Targets. Cet outil permet aux entreprises que les objectifs climatiques qu’elles se fixent soient alignés avec la science et permettent bien de rester sous la barre des 2°C d’augmentation de la température moyenne mondiale Pour le WWF, le résultat des mesures prises par les entreprises est primordial, il faut que cela ait de l’impact concret. C’est de toute façon aussi dans l’intérêt de l’entreprise d’être plus efficace en matière d’énergie et de moins polluer. D’ailleurs, le secteur privé est en train d’évoluer et les investissements dans les énergies polluantes comme le charbon diminuent. Mais la bataille est loin d’être gagnée, c’est pourquoi il faut continuer à pousser les entreprises dans la bonne direction, et leur fournir des outils concrets pour cela, ce que fait le WWF.
Inside Paris: Enfin suite aux évènements tragiques de Paris, de nombreuses manifestations, dont la Grande marche pour le climat du 29/11, ont été annulés. Craignez-vous que cette présence réduite de la société civile ait des répercussions négatives sur les résultats de la négociation?
Tous les travailleurs de notre organisation ont été choqués de ce qui s’est produit à Paris. Nous comprenons le besoin de sécurité renforcée mais nous déplorons que certaines mobilisations citoyennes clés, comme la Grande marche pour le climat du 29 novembre, aient été annulées. Plus que jamais, les citoyens veulent se faire entendre, dire leur inquiétude et leur envie d’action politique. En Belgique, Climate Express, l’organisation qui devait emmener 10000 Belges à Paris, a trouvé une alternative. Tout le monde ira à Ostende. Nos amis français, qui n’auront pas l’opportunité de marcher pour le Climat, ont lancé la campagne #March4us, où ils demandent à tous les citoyens du monde de prendre part à des marches pour le Climat en leur nom. Donc peu importe le lieu, la mobilisation citoyenne ce dimanche sera mondiale, avec des centaines de marches planifiées ! La voix des gens, positive et déterminée, devra être entendue par les décideurs politiques enfermés dans leurs salles de négociation!
L'Equipe